À quoi jouent les ONG environnementales ?

Chronique publiée dans le Magazine Transitions & Energie N°14

Autrefois, les grandes associations de protection de la nature et de l’environnement voulaient sauver la « nature ». On se souvient des grandes campagnes pour préserver les cétacés contre les baleiniers, les bébés phoques contre les chasseurs canadiens et les éléphants contre les trafiquants d’ivoire. C’était le bon temps des grandes causes planétaires qu’incarnaient si bien ces animaux emblématiques que personne ne souhaitait voir disparaître.

Nous avons changé d’époque. La grande cause qu’embrassent les ONG est maintenant celle du climat. La lutte contre le réchauffement climatique est devenue la mère de toutes les batailles et il ne s’agit pas tant aujourd’hui de « sauver les espèces » que de « sauver le climat » et donc de lutter contre le gaz carbonique.

En changeant leur fusil d’épaule, les ONG ne sont pas loin de vendre leur âme au diable. Le célèbre Fonds Mondial pour la Nature (WWF) s’est ainsi lancé dans une croisade pour les éoliennes et les panneaux solaires. Ces sources d’énergie qui n’ont qu’une incidence très faible dans la lutte contre le CO2, comme cela a été démontré maintes fois, sont une calamité pour l’environnement à cause notamment de leur intermittence, des matières premières utilisées pour leur construction et de leur durée de vie très courte. Par ailleurs, comme l’a dénoncé dans son livre Apocalypse Zéro l’écologiste américain Mickael Schellenberger, la promotion des énergies renouvelables par les ONG et les instances internationales conduit à une destruction de la nature à grande échelle dans les pays pauvres. Ne pouvant suffisamment utiliser les énergies fossiles sur leur territoire, les populations se replient sur la ressource en bois. Plutôt qu’utiliser les matières premières du sous-sol comme le font les pays riches, elles sont contraintes de détruire à grandes échelles leurs surfaces forestières. L’effet est désastreux pour l’emblématique faune africaine, mais aussi pour la santé publique à cause des fumées de combustion.

L’obsession du CO2 a-t-elle aussi égaré la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) qui vient de faire un choix pour le moins contestable ? Contre toute attente, la plus grande ONG française a décidé de nommer au poste de Directeur Général, Matthieu Orphelin, un ancien député français et  ancien membre éminent du parti Europe Écologie les Verts qui s’est fait remarquer pour sa combativité exemplaire pour le développement de l’éolien terrestre et maritime. Or, le développement de l’éolien est en France très contestable dans la mesure où l’électricité est très largement décarbonée et les pales des éoliennes tuent donc inutilement chaque année des milliers d’oiseaux et des centaines de milliers de chauve-souris. Le fait que les instances de la LPO aient entériné cette décision « à l’unanimité du Bureau et du Conseil d’Administration » est assez stupéfiant. On se demande aussi comment Matthieu Orphelin, si convaincu de l’importance de développer de façon massive l’éolien, va pouvoir sérieusement tenir un rôle d’opposant aux nombreux projets qui sont dans les cartons et contre lesquelles la LPO dit vouloir s’opposer.

Il est à craindre qu’en devenant des acteurs politiques et économiques majeurs, les associations aient perdu leur innocence. Dans une interview récente, Dominique Reynié, le directeur de Fondapol, révèle que le géant russe Gazprom finance certaines ONG environnementales qui « fournissent » des dirigeants politiques à certains pays européens comme la Belgique. Dès 2017, le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, alertait sur le fait que la Russie était en train de travailler en sous-main pour affaiblir la production d’énergie fossile des Américains et des Européens. Il existe aujourd’hui de forts soupçons de financement des ONG américaines par l’État russe, qui aurait, via les Bermudes ou les Bahamas fait ruisseler des millions d’Euros pour soutenir les opposants au nucléaire et au gaz de schistes. Le vieux continent n’est pas épargné : la fondation environnementale Naturschutzstiftung Deutsche Ostsee créée en Allemagne par les Amis de la Terre, le WWF et NABU a été financée par l’entreprise Nord Stream AG., détenue en majorité par Gazprom. Par ailleurs, Greenpeace Allemagne a fondé une coopérative de fourniture d’énergie, Greenpeace Energy qui a changé de nom très récemment pour devenir Green Planet Energy. Le but est de proposer à terme une électricité 100% renouvelable, mais Greenpeace reconnaît aujourd’hui que l’entreprise fournit en très grande majorité une électricité produite à partir de gaz fossile… venant donc de Russie !

Les ONG environnementales à la fois pro-éolien et solaire, anti-nucléaire et anti-gaz de schiste ont, par la force des choses, contribué à accentuer la dépendance au gaz russe des pays d’Europe. En faisant de la lutte contre le CO2 leur priorité, ces grands enfants se sont retrouvés au milieu des grands de l’énergie et ils se sont peut-être brûlés les ailes : il n’est aujourd’hui pas exclu qu’ils aient été, inconsciemment ou non, manipulés par la Russie. Alors, ne serait-il pas temps pour eux de revenir à leur amour d’antan, de nous parler un peu plus de nature et un peu moins de CO2 ?