Ministère de l’écologie : la mouche du coche au gouvernail

(Chronique publié dans Transitions & Energies n°6 de septembre 2020)

Comment ce qui était le ministère de l’Environnement n’a cessé d’enfler au point d’absorber au fil du temps les transports, l’équipement, le logement et évidemment l’énergie. Des domaines dans lequels sa compétence est loin d’être démontrée.

A l'occasion du changement de gouvernement, le « ministère de la transition écologique et solidaire » est devenu tout simplement le « ministère de la transition écologique ». Le mot « solidaire » a disparu... Il faut dire que la volonté systématique de vouloir transformer la « crainte » en « espérance » par le biais d'un artifice, comme lorsque l’on parle de sobriété ou de la frugalité « heureuse », commençait à devenir grotesque... Le ministère en charge de l'environnement aurait dû cependant perdre bien davantage que cet attribut ridicule. Depuis presque 20 ans en effet, son périmètre et son importance n'ont cessé d'enfler. Pour notre plus grand malheur, dans son escarcelle sont tombés l'un après l'autre les domaines des transports et de l'équipement, du logement et de l'énergie ! En fait, au sein des gouvernements qui se sont succédés, l'élaboration de politiques capitales a été confiée à un acteur qui n’a jamais eu les compétences adéquates.

A l'origine, ce ministère était simplement celui de la lutte contre les pollutions, les nuisances et les risques. Il agissait comme un « aiguillon » avec sa panoplie de règlements, d'interdictions et d'incitations qu'il tentait d’imposer à ses collègues ministres et par ricochets aux acteurs économiques. Son action faisait naître des tensions parce qu'il en résultait de nouvelles contraintes venant peser sur la rentabilité et la compétitivité économique. Le ministère de l’environnement n’avait pas toujours gain de cause et sortait régulièrement perdant des arbitrages interministériels. Cependant, grâce à cette « mouche du coche » agissant depuis la « périphérie », bon nombre de préoccupations environnementales finissait progressivement par être intégré dans les diverses politiques sectorielles. Ainsi, un compromis était trouvé entre les exigences économiques qui impliquaient nécessairement une dose de pollution et le souci de corriger certains effets pervers. Pour résumer, le ministère de l’environnement ne conduisait aucune des politiques majeures de l’Etat, mais les accompagnait pour essayer de les parfaire... 

Par ailleurs, dans la mesure où son rôle n’était pas central dans la conduite des affaires de l’Etat, on acceptait volontiers d’installer sur le fauteuil de ministre un original, un militant de la cause dont les excès étaient naturellement contenus. Mais dans son domaine, les convictions nourrissant le dynamisme, il pouvait faire des miracles… Chacun jouait donc sa partition et les intérêts de la nation et de l’environnement étaient bien représentés.

Peu à peu cependant, cette belle mécanique s'enrayait. Les compromis auxquels parvenaient les écologistes étaient à leurs yeux insuffisants. Ils réclamaient des politiques plus radicales pour répondre à des enjeux selon eux colossaux. Leur activisme teinté de catastrophisme fut payant et l’une des conséquences fut l’élargissement du périmètre du ministère de l’environnement devenant au passage celui de l’écologie. Dans les domaines précités, plutôt que de lui laisser jouer ce rôle d’aiguillon, on lui a carrément confié le gouvernail. Autrement dit, on a mis les chevaux à l’écurie pour harnacher la mouche du coche ! Logiquement, celle-ci est restée obsédée par sa mission première. Prisonnière de la « logique environnementale » qui veut toujours ramener pollutions et risques à des niveaux proches de zéro, elle a continué, avec plus de latitude, à faire ce qu’elle savait faire le mieux : alourdir les contraintes… Elle l’a fait d’autant mieux qu’a perduré la tradition de confier les rênes du ministère à un activiste écologiste et ce qui était un bienfait dans le contexte contraint d’autrefois est devenu une calamité à cette époque où il a été fait Roi. Bien sûr, le « système » continue de résister du fait de l’existence même de réalités économiques indépassables. Mais, le résultat est là : les politiques « annexées » ont tendance à perdre en clarté, cohérence et efficacité.

Pour les politiques de transport, de logement et d’énergie, la réduction des pollutions, risques et nuisances doit rester une contrainte à « intégrer » et non un objectif à atteindre. Si l’on est encore soucieux de mener le coche à bon port, il faut donc les libérer du joug du ministère de l’environnement qui a le caractère et la carrure de la mouche et non du cheval de trait…

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En librairie. A lire pour comprendre “le phénomène écologie”.